O Rei Pelé

Jamais une personne n’a été autant aimé par son pays que lui. Un des meilleurs joueurs de football de tous les temps, à la carrière mémorable marquée par trois victoires en Coupe du Monde et 1281 buts inscrits en 1363 matchs. Cet article vous relate la vie d’Edson Arantes do Nascimento connu sous le nom de Pelé. Né en 1940 d’une famille relativement pauvre, Pelé grandit en voyant son père jouer au football. Footballeur professionnel, il était surnommé Dondinho. Le petit garçon a ainsi tout de suite voulu faire comme son père en commençant à jouer au football. Maria Lucia, sa sœur, a raconté : « Quand Pelé rentrait de l’école, il passait son temps à jouer au foot dans la rue avec ses copains. Il jouait tout le temps et à la maison il chahutait beaucoup. C’était une vraie pile électrique. […] Quand mon père s’est rendu compte qu’il était doué pour le foot, il l’a vraiment poussé dans cette voie. Ils sont partis à Santos ». 1956 : l’année où Pelé signe à Santos. Pepe a confié être le premier à faire sa connaissance. Là-bas, ils avaient l’habitude de voir passer des joueurs faire des essais mais lui, il a tout de suite vu qu’il avait quelque chose de spécial. « J’avais 16 ans et je me disais : ça y est je suis footballeur professionnel. Juste après ça, j’ai été convoqué pour la CDM de 1958 ».

1958 et 1962 : sur le toit du Monde

« Certains journalistes ont écrit que j’étais trop jeune, que je manquais d’expérience ». Mais est-ce que l’âge est si important que cela comparé à la capacité psychologique de supporter la pression médiatique ? Pelé est alors convoquer pour sa première Coupe du Monde en Suède. A ses yeux, le Brésil était connu dans le monde entier mais arrivé là-bas, il s’est rendu compte que ce n’était pas du tout le cas : « Il y avait deux petites filles suédoises qui voulaient me toucher. Je ne comprenais pas pourquoi ma peau les intriguait. Elle me touchait et regardait leurs mains pour voir si la couleur partait. C’était la première fois qu’elles voyaient un noir ». Après la défaite en finale 2-1 face à l’Uruguay en 1950, les supporters brésiliens n’avaient plus trop confiance en leur équipe et n’aimaient plus le terme de « favoris ». Au final, c’est une compétition largement maîtrisée avec deux victoires sur le score de 5 buts 2 face à l’Équipe de France en demi-finale (triplé de Pelé) et face au pays hôte en finale (doublé de Pelé). Juca Kfouri, journaliste et ami, déclare alors : « Pelé apparaît alors comme celui qui va libérer les Brésiliens de leur complexe d’infériorité. Il leur apprend à semer le rêve, ce qui n’est pas rien à la base ». Les Brésiliens ne parlaient que de lui. Toutes les Brésiliennes voulaient devenir sa femme, les hommes voulaient qu’il soit leur frère ou leur fils. Les petits voulaient devenir comme lui. Il était considéré comme le roi et est devenu le symbole de l’émancipation brésilienne. Entre 1957 et 1961, Pelé marque 355 buts et fait passer Santos dans une autre dimension en lui offrant le titre de champion du monde des clubs avec une victoire 5-2 face à Benfica en finale.

Vient ensuite la Coupe du Monde 1962. Malheureusement, Pelé se blesse dès le deuxième match de poule face à la Tchécoslovaquie. Il passe alors toute la compétition sur le banc à soutenir ses coéquipiers en dépit de sa frustration de ne pas pouvoir jouer. La Seleçao est finalement sacrée championne du Monde pour la deuxième fois consécutive grâce au but d’Amarildo qui délivre les siens dans un match fermé face aux Tchécoslovaques. Pelé était donc l’acteur principal d’un Brésil en plein développement qui avait comme identité le football. Le peuple était alors fier de son pays mais il ne savait pas ce qui allait se passer.

1964-1969 : le Brésil plongé dans le chaos

En 1964, un Coup d’État frappe le pays. Comment l’expliquer ? Les Brésiliens ne savent pas vraiment. Les militaires ont expliqué que Brésil devait être sauvé de la menace communiste mais cette année-là le pays n’avait aucun risque de devenir communiste. Le projet des États-Unis étaient d’encourager les dictatures sud-américaines pour faire face au communisme soviétique. Pour Pelé, cela ne changeait pas grand chose. Il restait concentré sur son football et les dirigeants le traitaient bien puisqu’ils savaient à quel point il était important pour le pays.

En 1966, la Coupe du Monde a lieu en Angleterre. Cette fois-ci, les supporters brésiliens pensaient déjà avoir gagné. Pelé était le centre de l’attention. Pour les adversaires, il fallait le neutraliser pour pouvoir ensuite décrocher la victoire. Le jeu avait changé. Le football était devenu beaucoup plus défensif et agressif. Le Brésil n’était pas prêt pour cela et le voilà éliminé dès la phase de poules avec deux défaites : l’une face à la Hongrie et l’autre face au Portugal additionnée de la sortie sur blessure de Pelé. « Perdre au 1er tour en Angleterre ça a été une grande déception pour moi. Je me disais : « et maintenant comment je vais faire ? » Je me suis dit : ma carrière s’arrête là. J’étais triste, je voulais tout arrêter ». Le Brésil a très mal vécu cette défaite et la dictature signe un acte institutionnel en 1968 qui interdit toutes libertés au peuple. N’importe qui était maltraité, enlevé, alors qu’il n’avait rien fait. Paulo César Vasconcellos, journaliste, ajoute ceci : « Le général Médici savait que le football capturait le peuple donc il a pris l’habitude d’en regarder un tous les dimanche avec son poste radio. Pendant qu’on torturait les prisonniers, il allait au stade pour donner l’image d’un homme sympathique ». Pelé était au courant de tout cela, mais il ne savait pas ce qui était vrai ou faux étant donné que le club de Santos partait jouer dans le monde entier. Il était inquiet pour son pays.

1969-1970 : une fin en apothéose

Le 19 novembre 1969, Santos joue contre Vasco. Pelé a l’occasion lors de ce match de marquer le millième but de sa carrière. Et puis, il obtient un pénalty qu’il décide de frapper lui-même. Ses coéquipiers étaient tellement confiants qu’ils étaient tous dans le rond central. « Je me suis dit : si le gardien arrête ce but ou si je touche un poteau et que le ballon revient, où est mon équipe ? Je ne vois personne. Je regardais autour et les joueurs étaient tous derrière. J’avais la jambe qui tremblait et je me disais : il ne faut pas que je rate ce pénalty ». Frappe avec le pied ouvert. Le gardien la touche mais comme un signe le ballon rentre. Journaliste : « Pelé était une étoile étincelante : il a illuminé la noirceur du ciel brésilien. C’était ça le symbole d’un Brésil victorieux aspirant à plus de justice et de bonheur ».

Néanmoins, trois jours plus tard, le Président veut le voir pour le féliciter et Pelé a accepté. Son manque de prise de position politique a déçu les Brésiliens qui faisaient plus attention à ce qu’il faisait en dehors du terrain que sur le terrain. Paulo Cézar Lima fait partie de ceux qui l’ont critiquer : « Je trouvais qu’il se comportait comme un noir qui ne savait que dire « oui m’sieur », un noir qui accepte tout, incapable de contester, de critiquer ou de juger. Si Pelé avait eu un jugement, ça aurait eu des répercussions fortes au Brésil ». De son côté, Pelé pense avoir bien agi pour son pays en ne faisant rien. Le Brésil vivait à ce moment-là le pire moment de la dictature mais dans tout ce désarroi, il y avait une parenthèse d’espoir et de bonheur : la Coupe du Monde de 1970.

Pelé, qui n’avait pas envie de revivre l’épisode de 1966 en Angleterre, ne voulait pas jouer cette compétition. Mais les dirigeants lui ont bien fait comprendre qu’il valait mieux pour lui qu’il joue ce mondial. Le Roi était sous la pression des dirigeants mais aussi des Brésiliens. C’était le moment pour lui de se relancer un défi et de finir au mieux sa carrière internationale. Néanmoins, le Brésil, en pleine dictature et voyant que le jeu était devenu beaucoup plus physique et agressif, avait présenté un staff composé majoritairement de militaires. Le tout mené par un homme : Joao Saldanha. Pelé témoigne de cette autorité abusive : «Une de ses qualités c’est qu’il n’avait peur de rien. Parfois il disait des choses qui allaient de soi, parfois il n’avait pas besoin de dire. Il voulait tenir les rênes. Personnellement, si vous demandez s’il s’y connaissait en football, je dirais que non pas vraiment. Il faisait souvent des choix qui ne fonctionnaient pas ». Le courant ne passait pas entre le sélectionneur et lui. C’était le roi du mensonge. Il avait même inventé que Pelé n’était pas en capacité de jouer parce qu’il était myope. De son côté, Rivellino, coéquipier du numéro 10 brésilien, ne comprenait pas : « Vous avez le meilleur joueur de football de tous les temps et vous le laissez sur la touche ? Même si Pelé jouait vraiment très mal, il fallait qu’il joue c’est tout. La guerre a commencé et les discussions allaient bon train pour sortir Saldanha de l’équipe ». Finalement, Saldanha finit par être évincé de son poste seulement deux mois avant la compétition. C’est Mario Zagallo, ancien coéquipier de Pelé lors des sacres en 1958 et 1962, qui reprit les rênes de la Seleçao. Aucun citoyen brésilien ne pensait qu’ils allaient passer le premier tour. Et dans les premières minutes du premier match, ils avaient raison. Malmenés par les Tchécoslovaques en première mi-temps, les Brésiliens arrivent à égaliser tout de même juste avant la pause. C’était une libération. En deuxième période, toute l’équipe a retrouvé son jeu, surtout Pelé. Victoire sur le score de 4 buts à 1 dont un marqué par le numéro 10. Mais le deuxième match allait être complètement différent. Un match face aux tenants du titre : l’Angleterre. Un match globalement fermé jusqu’au moment où « Pelé contrôle le ballon. Toute la défense est autour de lui mais j’arrive démarquer sur sa droite. Il m’a vu venir à cent kilomètres. C’était le plus beau but de toute ma carrière. 1-0 pour le Brésil » (Jairzinho). Le dernier match de poule se solde par une victoire 3-2 face aux Roumains. Ils étaient qualifiés pour les quarts de finale. Une victoire 4-2 face au Pérou les rapproche un peu plus de la finale mais avant cela, il fallait battre l’Uruguay. Un match encore une fois très mal embarqué avec un premier but encaissé et une première mi-temps catastrophique. Encore une fois, ils ont la chance de revenir à 1-1 et en deuxième mi-temps, c’est Pelé qui reprit toutes les choses en main pour permettre à son équipe de l’emporter 3-1 et de se qualifier pour la finale. Il restait donc un match, un seul, pour être de nouveau sur le toit du monde. Pelé voulait juste gagner, peu importe la manière : « Je ne cherchais pas à marquer des buts ou à bien jouer contre l’Italie. Je voulais juste que le Brésil gagne et que Dieu m’aide à m’en sortir ». Mais c’est bien lui qui va ouvrir le score d’une très belle tête avant que son équipe ne concède l’égalisation. Mais Pelé était trop fort et réalise deux passes décisives pour qu’au final le Brésil l’emporte 4-1. « La Coupe du Monde de 1970 restera le plus beau moment de ma vie. Mais je pense qu’elle a encore plus compté pour le pays. Si le Brésil avait perdu en 1970, les choses auraient pu être plus difficiles. En devenant champions, le Brésil a pu respirer un peu ». Ce troisième sacre du Brésil n’a pas arrêté la dictature mais tous les Brésiliens savaient que ce n’était pas la victoire du régime autoritaire, mais bien celle de Pelé et du pays tout entier.

Au final, Pelé prit sa retraite internationale l’année suivante avec au total 77 buts marqués en 92 sélections. Ce qui fait de lui encore le meilleur buteur de la Seleçao ex-aequo avec Neymar. Trois ans plus tard, le Roi mit un terme à son aventure avec Santos pour filer vers le club de New York Cosmos pour deux saisons. Fin de carrière à 37 ans avec un léger palmarès : il est le seul joueur à avoir remporté trois Coupes du Monde. De plus, il a remporté entre autres la Copa Libertadores à deux reprises, a été élu « athlète du siècle » par le Comité International Olympique, « joueur du XXème siècle » par la FIFA et a fini onze fois meilleur buteur du Championnat de l’État de Sao Paulo. Obrigado por tudo Pelé !

1 Comment

  • Très bon documentaire.Continue

    Domenge 17.01.2023

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