Partout où Maradona est passé son club et sa ville se sont métamorphosés. Des titres, des excès, des buts exceptionnels (notamment celui de 1986 face à l’Angleterre), un but de la main (“ La Main de Dieu ”), des hauts et des bas. Voilà à quoi se résume la vie de Maradona. Alors, quelle image devons-nous garder du numéro 10 argentin ?
Une enfance et une adolescence idyllique
Né en 1960 d’une famille modeste, le petit Diego vit dans un bidonville dans la banlieue sud de Buenos Aires. Il est tout de suite passionné par le football : « J’avais 3 ans quand j’ai reçu ce cadeau, le plus beau de toute ma vie : mon premier ballon en cuir ». Il fait ses débuts en professionnel à même pas 16 ans du côté d’Argentinos Juniors, club qui devient grâce à lui l’un des ténors du championnat. Puis il fait partie de l’équipe gagnante lors de la Coupe du Monde des Espoirs en 1978. Il est d’ailleurs élu meilleur joueur du tournoi et remporte le Ballon d’Or argentin. Par la suite il explose dans le club de Boca Juniors en 1981 en gagnant le championnat face au rival River Plate en marquant deux des trois buts.
Débuts en Europe difficiles
En 1982, nous assistons au premier mauvais geste de l’Argentin à la Coupe du Monde organisée en Espagne. Maltraité par les défenseurs, il se venge lors du match de poule face au Brésil en donnant un coup de pied dans le ventre du gardien Batista. Il est en toute logique expulsé et l’Argentine est éliminée. Quelques jours plus tard, le voici transféré au FC Barcelone : « Je suis parti en Europe pour relever de nouveaux défis, avec l’idée de me frotter au meilleur football. […] C’est ma manière d’être. » Cependant, son intégration et son acclimatation sont loin d’être optimales : supporter pas avec lui, victime d’une hépatite en décembre, agressions des défenseurs adverses (Andoni Goikoetxea qui lui brise la cheville), tensions avec l’entraîneur. Des conditions difficiles sur le terrain additionnées d’une mauvaise image en dehors (tour des boîtes de nuit, cocaïne). En 1984, il termine ses années barcelonaises en étant à l’origine d’une bagarre générale face à l’Athletic Bilbao de Goiko. Il est néanmoins élu meilleur joueur du championnat lors de sa première saison mais ce n’est pas la période de sa carrière que nous retiendrons !
La rédemption napolitaine
« Il fut la rédemption d’une population pauvre, le héros du plus faible. Il restera toujours le dieu du football et de notre Naples », Massimo Vignati, gérant du musée dédié à Maradona à Naples. Jamais un sportif n’avait autant incarné une ville que Diego Maradona. A son arrivée à Naples en 1984, c’est une surprise que de voir un joueur aussi talentueux signer dans un club à ce moment-là 13ème de son championnat et qui n’a jamais été champion d’Italie. Mais il allait l’être à deux reprises en 1987 et 1990 avec la victoire en Coupe de l’UEFA en 1989. Pour Michel Platini qui jouait à la Juve à cette époque-là, « c’était un enfant-roi ». En plus d’être à l’aise techniquement, il était vif et c’était extrêmement dur de le stopper à part en faisant faute. « Aucun de nous n’a la magie du jeu de Maradona ».
Le match de sa carrière
Nous sommes à la Coupe du Monde 1986 au Mexique, période qui fait prendre à Maradona une toute autre dimension. Il marque alors cinq buts et délivre cinq passes décisives : ce qui fait de lui le joueur le plus décisif (même si Gary Lineker a marqué à six reprises) et le meilleur joueur du tournoi. Le match que tout le monde retiendra est bien évidemment celui face à l’Angleterre en quarts de finale. Avant le match, le sélectionneur anglais a déclaré : « Venez nous voir jouer dimanche, vous verrez comme nous le marquerons ». Pourtant, cela n’a pas empêché au numéro 10 argentin de marquer un doublé dans la victoire 2-1 de son équipe. Et quel doublé ! N’importe qui a déjà entendu parler de la « Main de Dieu, », un but de la main finement joué avec celle-ci proche de la tête qui touche le ballon devant le gardien Peter Shilton. D’ailleurs, celui-ci n’a toujours pas digéré le but : « A aucun moment il a admis avoir triché et dit qu’il voulait s’excuser. A la place, il a utilisé son expression « Main de Dieu ». Il semble qu’il avait de la grandeur en lui, mais malheureusement pas d’esprit sportif. Je suis attristé d’apprendre sa mort à un si jeune âge. Il était sans aucun doute le plus grand joueur que j’ai jamais affronté ». L’arbitre est loin de l’action, il regarde son assistant qui ne voit pas la faute, il accorde alors le but. Le soir, « dans le salon de l’hôtel, Diego nous a lancé en rigolant : « Fils de p***. J’attendais que vous veniez tous me féliciter après le but pour faire douter encore plus l’arbitre ! » (Pedro Pasculli, attaquant). Sacré personnage !
Par contre, si le premier but est un coup de malice, le second but est digne d’un joueur d’exception : soixante mètres balle au pied, douze touches de balle, cinq joueurs éliminés dont le gardien ! Imaginez-vous la lucidité du joueur après une telle course ? Si seulement vous aviez entendu les réactions en direct du commentateur uruguayen Hugo Morales : « De quelle planète viens-tu pour que tout un peuple se retrouve le poing levé à soutenir l’Argentine ? » Le joueur est alors admiré de tous (sauf des Anglais bien sûr), notamment de son sélectionneur Carlos Bilardo : « Un pareil phénomène dans une équipe, c’est quasiment un don du ciel ». Toutefois, l’attaquant anglais Gary Lineker annonce qu’il ne lui en voudra jamais : « J’ai pu constater à quel point il était vénéré comme un dieu en Argentine. Quand on a parlé du match, il s’est montré drôle, voire un peu insolent. A la fin, j’ai serré la main de Dieu… Assez fermement d’ailleurs ».
Ange rattrapé par ses démons
En 1991, Maradona est contrôlé positif à la cocaïne, arrêté en flagrant délit de consommation, suspendu, condamné à de la prison avec sursis. Plus tard, il est également condamné à payer l’équivalent de 37 millions d’euros au fisc italien qui lui saisit même ses boucles d’oreille en or.
En 1994, il a voulu retrouver trop vite un corps de joueur professionnel et tombe pour des traces d’éphédrine lors de la Coupe du Monde aux États-Unis.
A Naples, déjà totalement dépendant à la cocaïne, il lui arrivait d’être désigné au contrôle antidopage, mais longtemps, il l’avait dribblé. « Tout le monde savait que ce n’était pas lui qui pissait » (Platini).
En 2001, il fait une crise cardiaque suite à une overdose, un autre infarctus en 2004, une opération à l’estomac pour lui faire perdre 40 de ses 100 kg. Il avait du mal à marcher mais rien ne l’empêchait de vivre la nuit.
Aimer Maradona, c’est aimer ses exploits et ses excès, c’est aimer le joueur et le personnage. Par exemple, en 1988, il arrive au jubilé de Michel Platini à Nancy en aide aux toxicomanes avec un tee-shirt sur lequel il est inscrit « No Drug » et a joué une mi-temps avec les chaussures de Jean-Pierre Papin. A noter quand même sa culpabilité : « Tant que la drogue était un divertissement, ça allait. Mais quand c’est devenu un cauchemar, là, j’ai fait souffrir les gens qui m’aimaient. Le seul coupable, c’est moi […} Je ne suis pas un saint, mais je paie très cher tous mes excès. Je me punis tout seul ».
Le 25 novembre 2020, Diego Maradona décède d’une crise cardiaque. La nouvelle a été un choc pour le football mondial, pour Buenos Aires tout autant que pour Naples qui décide alors de rebaptiser le stade à son nom. Le président argentin annonce trois jours de deuil national. Alors, que retenir du prodige argentin ?
Voici quelques déclarations pour son soixantième anniversaire ou juste après son décès :
- « Sachez que lui aussi m’a fait rêver […] Ce qu’il faisait balle au pied sur un terrain, tous les enfants qui jouent au foot ont rêvé de le faire également un jour » (Cristiano Ronaldo)
- « C’est le plus grand joueur contre lequel j’ai joué, y compris dans son comportement. Respect total. Je lui ai donné des coups comme à personne, parce que je n’étais pas capable de le contenir, mais il ne s’est jamais plaint une seule fois » (Carlo Ancelotti)
- « A son évocation, il est un mot qui apparaît avant les autres : exceptionnel […] Il était juste magique, unique, impossible à imiter » (Zinédine Zidane)
- « Je respecte Diego autant que mon père, ma mère » (Éric Cantona)
- « Une journée très triste pour tous les Argentins et pour le football. Il nous laisse mais ne part pas, parce que Diego est éternel. Je garde tous les bons moments vécus avec lui et j’en profite pour transmettre mes condoléances à toute sa famille et ses amis. Repose en paix » (Lionel Messi)
- « J’ai l’impression que tu retournes à l’endroit qui t’appartient. AU CIEL. Pour moi tu ne mourras jamais. Repose en paix » (Juan Martin Del Potro)
- « J’espère que nous pourrons jouer au ballon ensemble dans le ciel » (Pelé)
Très bien construit et très bon documentaire.