Neymar magicien désenchanté

« Neymar ! Neymar ! Neymar ! », scandent les supporters parisiens lors de la présentation d’un des meilleurs joueurs du monde en 2017. « Neymar, hijo de p*** ! Neymar, hijo de p*** ! », crient les ultras lors du retour du Brésilien face à Strasbourg. Avant bien sûr de l’applaudir (pour une grande partie) après sa bicyclette pied à la dernière minute. Cet épisode illustre parfaitement la carrière d’un joueur que nous apprécions à son meilleur niveau mais que nous détestons quand il retombe dans ses travers.

Une jeunesse idyllique

Tout a commencé à Praia Grande dans la Rue B de Jardin Gloria avec quelques parties entre enfants. Puis il allait voir les matchs de son père, qui était footballeur professionnel, et jouait avec les enfants des adversaires. C’était un enfant humble, poli, que tout le monde appréciait. Le président du fan club de Santos a alors eu des échos d’un jeune joueur de huit ans qui avait des talents incroyables. Malheureusement, sa famille était tellement pauvre qu’elle n’avait pas les moyens d’inscrire leur enfant prodige dans un club. Cependant, peu de temps après, Betinho a alors décidé de créer un club de futsal en 1998 et d’inviter Neymar en 2003. C’était un joueur qui l’intriguait : « Il y avait une lueur dans son regard. Il est né pour ça, c’est inné chez lui. Il a le foot en lui. » Durant cette période et encore aujourd’hui, sa famille a été très présente. Notamment son père qui lui donne beaucoup de conseils. Neymar a alors raconté : « Je me souviens d’une histoire en particulier. C’est une des seules fois où il m’a grondé de ma vie. C’était assez rare qu’il me tire les oreilles quand j’étais petit. Mais cette fois-là, il m’a demandé : « pourquoi t’as pas couru ? » J’ai répondu : « Personne d’autre n’a couru alors pourquoi je l’aurais fait ? » et puis il m’a regardé vraiment énervé et je me suis dit « cette fois j’ai déconné ». Son père poursuit alors : « J’étais vraiment énervé. Quoi ? Tu veux pas courir ? J’ai commencé à le traiter de tous les noms et j’ai dit : « Ah ouais ? T’as vraiment rien d’autre de mieux à me dire ? Écoute-moi bien petit con. Tu vas courir ! Il faut te surpasser. Tu dois convaincre tes coéquipiers de se donner à fond et la seule façon de le faire c’est de courir plus vite qu’eux. » Ensuite, Lima (joueur de Santos de 1961 à 1971) a invité Neymar à Santos dans une catégorie de club de foot qui n’existait pas encore. « Tout le monde en parlait mais je n’avais pas encore vu. Et quand ça a été le cas, j’ai été bluffé ! ». « Santos est la ville qui produit le plus d’athlètes et de joueurs de foot dans le monde », déclare Alex Bernardo (membre de la partie marketing de NR Sports). « Quand Neymar est arrivé pour la première fois, on s’est dit : « Incroyable ! La foudre qui nous a donné Pelé nous donne maintenant Neymar », raconte Juca Kfouri (journaliste de sport). A quatorze ans, Neymar est invité pour faire des tests au Real Madrid. Selon son ancien agent, il a fait fort, très fort. Personne n’arrivait à lui récupérer le ballon. Le club madrilène lui a alors proposé de déménager à Madrid avec un travail stable Neymar Sr. Mais le jeune adolescent a sûrement été bouleversé par ce changement de culture et a voulu absolument rentrer au Brésil. Vient alors en suivant la signature de son premier contrat avec Santos à seulement 14 ans !

Une adolescence mouvementée

Le voilà désormais comme une icône de son pays avec des fans toujours plus fous (tatouage, même coupe de cheveux etc.) mais aussi avec une omniprésence dans les médias et notamment les publicités. Cette prise violente de popularité a été un vrai tournant dans sa vie de jeune homme et a été très dure à gérer. Neymar continue d’éblouir de son talent mais a des sauts d’humeur envers ses propres coéquipiers ou son entraîneur. Une méfiance commence alors à s’installer et le mot de « monstre » est souvent évoqué. De plus, Neymar est né et a explosé dans une période de plein essor des médias et des réseaux sociaux. Il est devenu une marque à part entière qui fait vendre que ce soient des journaux, des magazines. Plus de 50 millions de followers sur Twitter, plus de 150 millions sur Instagram. Une popularité exponentielle qui l’a éloigné petit à petit de son métier premier : footballeur professionnel. Ce qui est dommage, c’est qu’à aucun moment il ne s’est remis en question : « Je me fiche de ce que les autres pensent de moi. Je suis un garçon transparent et honnête. Je m’en fiche quand ils disent : « Neymar va à des fêtes et bla bla bla ». L’essentiel c’est ma performance sur le terrain. Et si ça énerve les gens, tant pis pour eux. C’est ma vie et je fais ce que je veux ». En parallèle, vient s’ajouter à cette adolescence mouvementée la naissance de Davi, son enfant, à seulement 17 ans. « Ça a été notre première crise familiale mais aussi une crise professionnelle car son image était en jeu », narre son père. Il a pris ses responsabilités et a pleinement assumé sa fonction de père et sa volonté de construire cette famille. Quelques mois plus tard, le voilà en finale de Copa Libertadores face au club rude de Peñarol. Santos n’avait pas gagné depuis 48 ans et celle remportée avec Pelé. Un match fermé qui est alors débloqué par un but de Neymar qui offre la victoire et le titre à son équipe. Le voilà en suivant sélectionné avec la Seleçao avec le numéro 10 dans le dos. « Depuis Pelé, le numéro 10 a toujours été une marque de fabrique. Il y a beaucoup de responsabilités, d’attentes et d’exigences », explique Raï, lui aussi numéro 10 après Pelé et avant Ronaldinho, Rivaldo ou encore Kaka. Neymar prend alors de plus en plus d’ampleur et est parti pour surpasser Pelé selon certains journalistes. Néanmoins, s’il veut encore passer une étape, il faut partir en Europe où figurent les meilleurs joueurs du monde. D’après Betinho, tu es un très bon joueur si tu es connu sur l’ensemble du continent mais un génie est connu dans le monde entier. A 18 ans, Neymar avait déjà atteint son rêve d’enfant, celui de jouer pour Santos et pour l’équipe nationale. Alors forcément, quand tu as encore plus de quinze ans de carrière devant toi, il faut viser encore plus haut. Il rêvait alors de jouer avec le FC Barcelone, une des meilleures équipes du monde où joue un des deux meilleurs joueurs du monde : Lionel Messi. Il signe donc un contrat de cinq ans et part pour une nouvelle étape dans sa carrière.

Barça en crescendo, Brésil en demi-teinte

Neymar vit une première saison compliquée. Forcément, il faut un temps d’adaptation. Même si tu es un grand joueur, il est quasiment impossible de faire une très bonne première saison dans un nouveau club, avec une nouvelle langue, un nouvel entraîneur, de nouveaux coéquipiers, une culture différente et un style de jeu différent. Nous l’avons vu récemment avec la première année de Lionel Messi au PSG, lui qui en plus n’avait jamais joué dans un autre club que le FC Barcelone. Cette première saison en devient même cauchemardesque pour le Brésilien avec cette blessure horrible en quarts de finale de coupe du monde face à la Colombie : un violent coup de genou dans le dos qui provoque la fracture de la troisième vertèbre lombaire. « Le docteur m’a dit : « J’ai deux nouvelles à vous annoncer : une bonne et une mauvaise. Je commence par laquelle ? ». « La mauvaise ». « La mauvaise, c’est que la coupe du monde est finie ». « Et la bonne ? ». « La bonne nouvelle c’est qu’à deux centimètres près, vous ne pouviez plus marcher ». Vient quelques jours plus tard l’humiliation 7-1 infligée par les Allemands en demi-finale. Tout un peuple déçu, effondré et aujourd’hui il y a des joueurs qui ne s’en sont toujours pas remis à 100 %.

Que dire de la saison 2014-2015 ? La saison du comeback. L’arrivée de Luis Suarez qui forme l’un des meilleurs trios d’attaque de tous les temps : la MSN. A la clé, 39 buts et 7 passes décisives, un titre de champion d’Espagne, une Ligue des Champions et une troisième place au Ballon d’Or derrière Messi et Ronaldo. Les deux saisons suivantes découlent de celle-ci avec une médaille d’or aux Jeux Olympiques 2016 à Rio (le brésilien inscrit le pénalty décisif face à l’Allemagne en finale) et bien sûr comment ne pas citer le fait marquant de l’année 2017 ? Cette remontada infligée au Paris Saint-Germain 6-1 au Camp Nou après avoir perdu 4-0 trois semaines plus tôt au Parc des Princes. Vincent Duluc nous raconte : « Lors du soir de la remontada, le meilleur joueur du Barça, c’est Neymar. Et pourtant, l’image de la remontada, c’est Messi. C’est Messi qu’on voit partout en photo. C’est Messi qui est porté en triomphe. Alors que c’est Neymar qui a gagné le match. Je pense que ce soir-là Neymar a vu qu’il ne serait jamais le meilleur joueur de Barcelone et donc qu’il n’avait aucune chance à Barcelone de devenir le meilleur joueur du monde ». Six mois plus tard, il signe au Paris Saint-Germain.

Les montagnes russes

Sa clause de 222 millions d’euros a été acquittée par le club de la capitale. Un transfert qui bat tous les records pour un joueur qui sera au centre du projet pour, à terme, gagner la première Ligue des Champions. « Quand j’arrive au PSG, le but c’était d’aider Neymar. Il était la star, la pierre angulaire du projet », relate Kylian Mbappé alors arrivé en provenance de Monaco. Neymar veut alors tout faire. Remonter les ballons, être passeur et buteur en même temps. Frank Tapiro, expert en communication analyse la situation : « Quand vous êtes un héros, une star, vous êtes comme dans un rêve, vous vous sentez pousser des ailes mais vous restez humains. Si vous vous prenez pour un surhomme, tout peut s’arrêter d’un coup ». Il évoque à ce moment-là la première blessure de Neymar face à Marseille examinée également par Juca Kfouri : « Si vous regardez les blessures que Neymar a eu, les plus graves en tout cas, aucune ne s’est produite près de la surface de réparation. C’est toujours au milieu du terrain à faire des choses inutiles, à essayer d’en faire trop. Personne ne quitte le Barça. Personne ne quitte le Barça. Il est parti parce qu’il voulait être la star et il l’a vite regretté ». Il se fait alors opérer du cinquième métatarse et voit l’élimination du PSG face au Real en huitième de finale. Néanmoins, il revient et se prépare à fond pour la Coupe du Monde de 2018 en Russie. La Coupe du Monde qu’il devait gagner. Mais il n’était pas prêt à 100 % physiquement et psychologiquement. Au moins accrochage, à peine il était effleuré, il se roulait par terre, criait et pleurait. Le monde a alors découvert un joueur qui se plaignait tout le temps. Ses roulades ont été parodiées à plusieurs reprises dans des montages. Et tout cela a entaché sur son jeu et sur le jeu de son équipe qui fut éliminée par la suite en quarts de finale face à la Belgique.

Depuis cet épisode, jamais il n’a retrouvé son meilleur niveau. Il n’a joué que trente matchs en moyenne toutes compétitions confondues avec le PSG. Certes, il a montré un très bon niveau lors du Final 8 en 2020 à Lisbonne mais il n’a pas marqué et a réalisé une finale décevante. Au total, depuis qu’il est à Paris, six blessures ont écarté le Brésilien des terrains pendant au moins un mois chacune auxquelles s’additionnent de nombreux matchs de suspensions suite à des gestes d’humeurs, une forte prise de poids et une plainte pour viol qui n’a pas arrangé son image bien au contraire.

Nonobstant, le début de saison 2022-2023 de Neymar est impressionnant avec 11 buts et 7 passes décisives en 10 matchs toutes compétitions confondues. Tout comme Messi qui est à 5 buts et 8 passes décisives et Mbappe qui reste sur sa lancée de la saison précédente avec 10 buts pour deux matchs en moins. Malheureusement, nous imaginons que Neymar se prépare au mieux pour peut-être sa dernière Coupe du Monde au top niveau avec sa nation et que son niveau au mois de janvier sera nettement inférieur comme beaucoup de joueurs.

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